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Droit de la migration et des étrangers

La qualité de réfugié étendue aux femmes victimes de la traite humaine originaire de l’état de Delta

Publié le

01/06/2021

Auteur

admin9529

La qualité de réfugié est étendue aux femmes victimes de la traite humaine originaire de l’état de Delta (Nigéria).

L’État de Delta (Nigéria) est devenu aujourd’hui un lieu privilégié de recrutement des victimes des réseaux nigérians de traite à des fins de prostitution.

Le 24 Février 2020, la seconde chambre de la troisième section de la Cour Nationale du droit d’Asile (CNDA) a rendu une décision qui rend l’État du Delta (Nigéria) un lieu privilégié de recrutement des victimes des réseaux nigérians de traite à des fins de prostitution au même niveau que l’État d’Edo.

Il s’agit d’une extension du périmètre géographique de la jurisprudence du Conseil d’État du 16 Octobre 2019 qui reconnaissait uniquement l ‘État d’Edo comme lieu privilégié de recrutement de ces victimes.

Dans les faits, une requérante originaire de l’État de Delta (Nigéria), Mme.O, soutient qu’elle craint d’être persécutée en cas de retour dans son pays d’origine, en raison de sa soustraction à un réseau de traite des êtres humains, et obtient son droit d’Asile.

La situation est connue des autorités de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la CNDA. Depuis une trentaine d’année à Paris, le phénomène est d’une telle ampleur que la communauté nigériane représente le plus grand nombre de femmes se prostituant sur la voie publique.

La demande d’Asile des femmes victimes de traite humaine est désormais automatique pour celles ressortissantes de l’ancien Etat du Bendel : la persécution due à l’appartenance à un certain groupe social.

Le risque de persécution prévu par l’article 1er, A, 2 de la Convention de Genève dispose qu’un individu doit être considéré comme réfugié lorsqu’il risque d’être persécuté du fait de son appartenance ethnique, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques et ne peut, de ce fait, retourner dans son pays d’origine sans craindre d’être persécuté. Un groupe social est, au sens du même article, constitué de personnes partageant un caractère inné, une histoire commune ou une caractéristique essentielle à leur identité et à leur conscience auxquels il ne peut leur être demandé de renoncer, et une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions.

La traite est le fait de recruter, de transporter et d’héberger des personnes à des fins d’exploitation de leur corps ou de leur force de travail, en usant sur les victimes de violences physiques et psychologiques ou d'autres formes de contrainte, de l'enlèvement, de l’enfermement, de la tromperie, de l'abus d'autorité ou de l'exploitation d'une situation de vulnérabilité. La traite des êtres humains constitue ainsi une atteinte grave aux droits fondamentaux de la personne qualifiée de crime au regard du droit national et international et la traite des femmes organisée par un réseau criminel transnational à des fins d’exploitation sexuelle constitue une persécution.

Mme.O est d’ethnie Igbo originaire de l’État du Delta. Elle s’est totalement retirée de l’emprise d’un réseau de traite nigérian auquel elle était soumise, plus particulièrement à la suite de la cérémonie du « juju ». 2 Par ailleurs, elle risque d’être exposée à des atteintes graves au regard de la maltraitance qu’elle a vécu initialement de sa belle-mère et de la naissance de son enfant obtenu hors mariage, ce qui est un tabou dans sa région d’origine. La requérante s’expose ainsi à un risque de persécution si elle retourne sur le territoire  du Nigéria d’où sa demande d’asile.

L’État du Delta dont est originaire la requérante est né, avec l’État d’Edo, de la scission de l’ancien État du Bendel. Avant cette décision, la demande d’asile pour les femmes victimes de traite humaine était automatique pour les femmes issues de l’État d’Edo et ne concernait pas l’État du Delta. Désormais, cette demande d’asile est automatique pour l’ensembles des femmes victimes de traite humaine ressortissantes de l’ancien État du Bendel.

La demande d’annulation de la décision de l’OFPRA est ici totalement approuvée par la CNDA.

Pour se faire, la Cour va agir de manière analogue avec le Conseil d’État (CE 16 Octobre 2019 N° 418328) et sa jurisprudence antérieure (CNDA, Grande formation, 30 Mars 2017). De ce fait, la Cour a rendu sa décision conformément l’article 1er A, 2 de la Convention de Genève.

La Cour a pris soin d’appuyer sa décision sur des sources d’information publiques et pertinentes disponibles sur le Nigéria à la date de la décision, et notamment du rapport de mission de l’OFPRA-CNDA au Nigéria publié au mois de Décembre 2016. Ce rapport démontre qu’au-delà de l’appartenance ethnique des victimes nigérianes de la traite en Europe, elles proviennent en plus généralement de l’ancien Etat du Bendel, c’est-à- dire et l’État d’Edo et l’Etat de Delta.

En effet, si l’entrée dans le réseau s’est matérialisée, historiquement, par une cérémonie de type « juju2 » pratiquée à Benin City, dans l’Etat d’Edo, le phénomène de la traite des femmes à des fins d’exploitation sexuelle constitue également un problème endémique dans l’Etat du Delta, par rapport à la proximité culturelle de ses habitants avec le groupe ethnique Edo et à la présence notoire de trafiquants sur son territoire.

Dans sa décision du 30 Mars 2017, la CNDA en grande formation a reconnu l’existence du groupe social des femmes nigérianes de l’État d’Edo victimes d’un réseau de prostitution et parvenues à s’en extraire totalement ( CE, 16 Octobre 2019). Pour prouver son appartenance à ce groupe, le récit doit correspondre au parcours habituel de ces femmes, démontrer qu’elles partagent « une histoire commune et une identité  propre », tel que cela est stipulé dans la convention de Genève.

Outre Benin City, les villes de Sapele, Warri et Agbor, dans l’Etat du Delta, sont des lieux privilégiés de recrutement à des fins de prostitution, ainsi que le relève le rapport du Home Office paru au mois de juin 2019 intitulé Country policy and Information note : Nigeria : Trafficking of women.

Par ailleurs, selon le rapport 2019 Trafficking in Persons Report : Nigeria, publié en juin 2019 par le Département d’Etat américain, depuis la condamnation solennelle par l’Oba de Benin Ewuare II, le 8 mars 2018, de l’utilisation des rituels traditionnels dans le cadre de la traite des êtres humains, les trafiquants soumettent leurs victimes à des cérémonies « juju 2 » réalisées non plus dans l’Etat d’Edo mais dans l’Etat du Delta.

Ainsi la cour retient comme raisonnement que lorsqu’une femme démontre qu’elle est victime d’un réseau  de traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle et qu’elle est parvenue à le quitter, sa demande d’asile est automatiquement acceptée si elle originaire de l’ancien Etat du Bendel dans son entièreté, c’est à dire autant l’Etat d’Édo que celui de Delta.

Dans le cas d’espèce, la Cour donne le droit d’asile à la requérante ayant justifié sa séparation définitive avec ce réseau et étant originaire de l’État de Delta.

La demande d’Asile des femmes victimes de traite humaine est désormais automatique pour celles ressortissantes de l’ancien Etat du Bendel : conclusion

Cette décision présente une importance particulière puisque la Cour admet un nouveau territoire comme lieu privilégié de recrutement de victimes de réseaux nigérians. Cela permet alors aux demandeurs d’Asile issus de l’État de Delta d’obtenir plus simplement un statut de réfugié ou à défaut une protection subsidiaire en France, du fait de la traite humaine sexuelle nigériane.

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Me Grégoire HERVET – EXILAE Avocats