Rédiger une charte ou un accord de télétravail international
Les clauses spécifiques du télétravail à l’étranger.
1 salarié sur 10 a déjà travaillé depuis l’étranger sans en informer son employeur [1].
Nombreux sont les collaborateurs qui se saisissent du télétravail pour concrétiser le rêve du « work from everywhere », voire pour rejoindre la tendance des « digital nomad ».
Les entreprises doivent s’adapter pour fidéliser et même attirer ces talents hyper mobiles, qu’ils aient des attaches personnelles à l’étranger ou qu’ils aient simplement soif d’aventures.
Proposer des solutions de télétravail international devient une priorité pour toutes les entreprises et les groupes dont l’activité est ouverte sur le monde.
Ce qui était un sujet de discussion à la rentrée 2023, sera un thème de négociation en 2024. Il faut s’y préparer !
Mais aucun texte du Code du travail ne l’envisage sous l’angle d’un travail à distance réalisé depuis l’étranger.
Le Cabinet EXILAE AVOCATS vous présente ici les clauses indispensables à ne pas oublier lors de la rédaction d’une charte ou d’un accord de télétravail international.
[1] SAP Concur a mandaté en juillet 2023 Coleman Parkes pour interroger 835 décideurs, 835 décideurs financiers et 1 670 employés dans plusieurs pays européens (Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Suisse, France, Italie, Danemark, Finlande, Suède, Espagne et Royaume-Uni) afin de mieux comprendre l'impact et les implications du travail à distance pour les employeurs et les employés.
Rédiger une charte ou un accord de télétravail international - Rappel des enjeux
Les premiers articles encadrant le télétravail à l’international en rappelleront nécessairement les enjeux.
Pour cause, le fait de télétravailler de façon permanente dans un autre État que celui dans lequel l’employeur a son siège social modifie les lois sociales et fiscales applicables à la relation de travail.
L’hypothèse d’un télétravail permanent à l’étranger est donc à exclure, sauf à envisager l’ouverture de succursales à l’étranger et la mise en place de régimes d’expatriation.
Le télétravail à l’étranger ne peut être que ponctuel. Il ne sera légal que s’il respecte la limite suivante : moins de 25 % de l’activité globale du collaborateur doit être réalisée à l’étranger, sur une période de 12 mois.
A défaut, le télétravail à l’étranger est particulièrement risqué pour l’entreprise qui pourrait être confrontée à 3 risques :
- Le fait que le droit français ne soit plus la référence pour déterminer les règles applicables à la relation de travail en matière de durée du travail, de salaire minimal, de congés payés, de jours fériés de licenciement et de santé et sécurité.
- Le fait que la présence du salarié à l’étranger aboutisse à la reconnaissance d’un établissement stable au sens de la législation fiscale. Les conséquences de cette reconnaissance varient selon la législation fiscale étrangère applicable. Mais afin d’en percevoir l’ampleur, on peut se référer au droit fiscal français, lequel prévoit qu’une telle reconnaissance peut entraîner un redressement sur dix années, une taxation d’office et une majoration de 80 % des impôts dus par l’entreprise étrangère à laquelle serait reconnu un établissement stable en France.
- Le fait que le salarié télétravaille physiquement depuis un autre pays est également susceptible de poser des questions quant à la sécurité des données personnelles et confidentielles échangées dans le cadre de la relation de travail, notamment si le salarié télétravaille dans un pays dans lequel le Règlement général de protection des données (RGPD) ne s'applique pas.
Pour le collaborateur, le fait de travailler à distance, depuis l’étranger, au-delà de la limite impartie de 25 % maximum de son activité professionnelle peut également être lourd de conséquences :
- Changement de la loi applicable au contrat de travail ;
- Perte de l’affiliation à la sécurité sociale française, ce qui signifie que les cotisations de sécurité sociale pourraient ne plus être dues par l’employeur et le salarié en France et que ce dernier perdrait le droit aux indemnisations liées à la dégradation de son état de santé (maladie, accident) ;
- Perte de périodes de cotisations au régime de la retraite français ;
- Perte des couvertures santé et prévoyance si les contrats collectifs souscrits par l’entreprise ne sont applicables qu’au territoire national ;
- Transfert de la résidence fiscale du salarié avec le risque de double paiement de l’impôt : en France et à l’étranger ;
- Perte de l’indemnisation chômage en cas de perte d’emploi.
Compte tenu de l’ensemble de ces risques que la charte ou l’accord sur le télétravail international doit écarter, ces textes débuterons par une partie consacrée aux « Principes sous-jacents au télétravail international ».
Il sera alors rappelé que la possibilité de télétravailler à l’étranger est un avantage exceptionnel et que le salarié doit notamment comprendre que son but premier est de lui permettre de pouvoir associer travail et responsabilités familiales ou personnelles.
Les conditions pour être éligible au télétravail international pourront aussi être visées à cette occasion, en préambule.
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Le télétravail à l’étranger
Rédiger une charte ou un accord de télétravail international - les pré-requis
Autre section importante de la charte ou de l’accord, les pré-requis au télétravail à l’étranger qui tiennent essentiellement à préciser ses limites dans le temps et ses conditions matérielles.
Ainsi, les collaborateurs devront être informés qu’ils ne peuvent pas travailler à distance, hors de France, pour une période excédant 25 % de leur activité, soit environ 54 jours calendaires, selon leur rythme de travail.
Il sera aussi utile de rappeler que les jours fériés chômés en période de télétravail à l’étranger sont les jours fériés existants en France. Les jours fériés propres au pays étranger de destination ne sont pas applicables afin de maintenir une égalité de traitement avec l’ensemble des collaborateurs.
Rédiger une charte ou un accord de télétravail international - les frais et indemnités
La question particulièrement épineuse des frais de télétravail à l’étranger doit être finement traitée car l’employeur n’a pas à prendre en charge les frais liés au déplacement du collaborateur à l’étranger, pour ses besoins personnels. Il n’a pas non plus à acheminer le matériel nécessaire.
Il sera donc bienvenu que la charte ou l’accord sur le télétravail rappelle que le salarié assume tous les frais liés à son séjour à l’étranger (voyage, logement, assurance personnelle – couverture santé éventuelle, assurance contre le vol, assurance dommages causés à un tiers, etc.), connexion internet, etc.
En revanche, pour les jours de travail effectif à l’étranger, il doit percevoir l’indemnité de télétravail prévue pour l’ensemble des collaborateurs.
Le salarié télétravaillant à l’étranger doit disposer, bien entendu, dans les mêmes conditions qu’en France d’un ordinateur portable, d’une souris et d’un casque fournis par l’entreprise. Si le salarié n’est pas en possession de l’équipement nécessaire, il devra initier une demande d’équipement auprès du service technique compétent, dont il faudra rappeler les coordonnées.
Du fait du cadre d’exercice limité du télétravail à l’étranger, il convient de prévoir qu’il n’y a pas de mise à disposition de d’équipement (chaise de bureau, double écran, imprimante, etc.) dans le pays de destination.
Rédiger une charte ou un accord de télétravail international - les assurances et la prévoyance
L’employeur devra prendre en charge les assurances professionnelles nécessaires à l’exercice du télétravail à l’étranger du salarié pendant son temps de travail effectif, soit sur la plage horaire collective pendant laquelle le salarié travaillera. A contrario le salarié sera responsable de souscrire les assurances nécessaires pour couvrir les plages horaires pendant lesquelles il ne travaillera pas.
Aussi, comme pour tout déplacement et séjour à caractère privé, il faut rappeler au collaborateur qu’il lui incombe d’évaluer sa couverture d’assurance médicale et prévoyance en dehors de son lieu de résidence et, le cas échéant, de souscrire une assurance médicale et prévoyance pour couvrir tous les frais médicaux pendant la période passée à l’étranger et les potentielles indemnisations liées à une incapacité, une invalidité ou un décès.
Par exception, les urgences médicales et les situations nécessitant un rapatriement pourraient être couvertes par le programme d’assistance relatif aux accidents de travail en cas de séjour professionnel à l’étranger de l’employeur.
Rédiger une charte ou un accord de télétravail international - les obligations du salarié
La charte ou l’accord sur le télétravail international devra rappeler que le collaborateur doit veiller à sa situation fiscale dans le pays de destination et, le cas échéant, s’acquitter de toute impôt personnel pouvant résulter de son séjour à l’étranger.
Il conviendra également de lui interdire tout affichage ou démarchage permettant aux autorités locales de reconnaitre l’existence d’une succursale à la Société employeur.
Par ailleurs s’agissant de son activité et de son temps de travail, il est nécessaire de préciser que l’activité demandée au salarié en télétravail à l’étranger, tout comme les résultats attendus, sont équivalents à ceux des salariés en situation comparable travaillant sur leur site de rattachement en France.
Par principe, le salarié doit être joignable et être en mesure de répondre dans les mêmes conditions que lorsqu’il exerce son activité sur site.
Toutefois, en fonction du décalage horaire, son manager doit s’assurer qu’une plage de disponibilité commune suffisance aux deux pays existe.
Rédiger une charte ou un accord de télétravail international - les droits collectifs des salariés
Le salarié en télétravail à l’étranger se voit appliquer l’ensemble des accords collectifs en vigueur au sein de la Société et bénéficie des mêmes droits collectifs (épargne salariale, participation aux élections professionnelles, etc.) qu’un salarié travaillant dans les locaux de la Société ou en télétravail en France.
Une clause spécifique doit le mentionner dans la charte ou l’accord sur le télétravail international afin d’éviter toute situation d’exclusion d’un avantage collectif venant rompre le principe d’égalité de traitement entre les collaborateurs.
Rédiger une charte ou un accord de télétravail international - la fin anticipée du télétravail à l'étranger
Il convient de prévoir que, dans l’hypothèse où le collaborateur souhaiterait mettre fin de manière anticipée à sa période de télétravail à l’étranger, pour une raison qui lui est propre, qu’il n’a pas à justifier, il devra en informer par courriel son manager hiérarchique et son Responsable Ressources Humaines dans les meilleurs délais.
L’entreprise accusera réception de la demande du salarié et lui notifiera son accord en s’assurant qu’il n’y ait pas d’impact sur la continuité de service.
La situation est plus complexe si c’est entreprise qui est à l’initiative de la fin anticipée du télétravail à l’étranger.
Aussi, la charte ou l’accord doit expressément prévoir que le télétravail pourra pendre immédiatement fin dans une série d’hypothèses précisément listées comme le fait que le salarié n’effectue pas les tâches qui lui sont assignées pour des raisons diverses (exemples : pas de connexion Internet…), le fait qu’il ne réponde pas aux sollicitations de sa hiérarchie…
Il faudra enfin prévoir, qui, de l’entreprise ou du collaborateur, prendra en charge les frais de retour en France en pareille situation.
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Mme Maëlle DREANO - EXILAE Avocats