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Droit social

Un employeur peut-il interdir à un homme de porter un chignon ?

Publié le

11/30/2022

Un employeur peut-il interdir à un homme de porter un chignon ?

Non. A défaut, c'est discriminatoire.

L’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 23 novembre2022 est une petite révolution pour les acteurs et les observateurs du droit de la non-discrimination (Cass. soc. 23 novembre 2022, n° 21-14060 FPBR)

C’est aussi une importante évolution pour les salariés, souvent confrontés à des discriminations en raison de leur apparence physique.

En effet, plus d’un tiers des jeunes âgés de 18 à 34 ans considère que les discriminations constituent un phénomène massif dans la société française. 86 % d’entre eux considèrent que les personnes sont souvent discriminées en raison de leur origine, de leur couleur de peau ou de leur nationalité, 63 % en raison de son apparence physique et 61% en raison de leur identité de genre (Source 13e baromètre sur la perception des discriminations OIT/DDD, 2021)

Il est donc plus qu’heureux, en 2022, que la question des « coupes affos », jugées à tort non-professionnelles, soit désormais tranchées et que la discrimination existant dans ces situations soit reconnue.

Source 13e baromètre sur la perception des discriminations OIT/DDD, 2021

Un employeur peut-il interdir à un homme de porter un chignon ? Les faits à l'origine de l'affaire

Dans cette affaire, il s’agissait d’un steward embauché en 1998 par une compagnie aérienne.

En 2005, il s’était vu refuser d’accéder à un embarquement il était coiffé de tresses africaines relevées en chignon. Pour la compagnie, les règles du port de l’uniforme interdisaient une telle coiffure pour les hommes, quand bien même elle était autorisée pour les femmes.

Le salarié a ensuite porté une perruque pour dissimuler sa coiffure, mais il s’estimait victime d’une discrimination en raison de son sexe et a saisi le conseil de prud’hommes aux fins de la faire reconnaitre.

Il était ensuite mis à pied pendant 5 jours par la compagnie aérienne qui lui reprochait encore un non-respect du port de l’uniforme.

Profondément affecté, il a été ensuite atteint d’un syndrome dépressif, reconnu comme une maladie professionnelle, qui a mené à son licenciement pour inaptitude en 2018, le salarié ne voulant pas être reclassé sur un poste de personnel au sol.

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Pour rappel, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire en raison de son apparence physique (Art. 225-1 du Code pénal ; art.   L.1132-1 du Code du travail).

L’apparence physique ne détermine pas la compétence du candidat pour le poste auquel il se présente.

Elle peut être exceptionnellement prise en considération pour l’exercice de fonctions dans lesquelles elle est déterminante, comme le mannequinat par exemple.

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Le débat devant les tribunaux

Devant le conseil de prud’hommes puis la Cour d’appel, le salarié demandait le versement de dommages-intérêts pour discrimination, harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail, la nullité de son licenciement et des dommages-intérêts liés à cette nullité, un solde de préavis et une indemnité de licenciement.

La HALDE, dont les missions ont été reprises par le Défenseur des droits, avait conclu à l’existence d’une discrimination fondée sur l’apparence physique (HALDE, délibération n°

Délibération n°2011-16 du 4 avril 2011).

Elle recommandait déjà à la compagnie aérienne de réexaminer eu égard à la diversité de son personnel, les normes de présentation imposées aux personnels de la compagnie en contact avec la clientèle en tenant compte de l’évolution des codes esthétiques.

Pourtant, la Cour d’appel a écarté toute discrimination dans cette affaire en se contentant de rappeler que les prescriptions de l’uniforme masculin, imposant es cheveux doivent être coiffés de façon extrêmement nette. Limitées en volume, les coiffures doivent garder un aspect naturel et homogène. La longueur est limitée dans la nuque au niveau du bord supérieur du col de la chemise. Décoloration et ou coloration apparente non autorisée. La longueur des pattes ne dépassant pas la partie médiane de l'oreille. Accessoires divers : non autorisés ». Pour la Cour d’appel, elle s’imposait au personnel de la compagnie en ce qu’il en allait de l’image de sa marque dès lors que le salarié était en contact avec sa clientèle.

C’est sur cette position que revient de la Cour de cassation dans l’arrêt du 23 novembre 2022.

Elle constate d’abord que dès lors que les tresses africaines nouées en chignon étaient autorisées pour le personnel navigant féminin et non pour le personnel masculin, il existe une différence de traitement dans l’apparence physique et en raison du sexe caractérisant une discrimination.

Elle précise alors qu’une telle différence de traitement, pour être licite et ne pas être qualifiée de discrimination doit être justifiée par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle véritable et déterminante et être proportionnées au but recherché (art. L. 1121-1, L. 1132-1 et L. 1133-1 C. trav.).

La Cour définit ensuite ce qu’est une « exigence professionnelle essentielle et déterminante » en estimant qu’il s’agit d’une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d'exercice de l'activité professionnelle en cause.

Enfin, la Cour de cassation juge de façon cinglante que la perception sociale de l'apparence physique des genres masculin et féminin ne peut pas constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante justifiant une différence de traitement relative à la coiffure en fonction du genre dans l’exercice des fonctions de steward.

Il y a donc bien une discrimination en raison du sexe.

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